dimanche 29 mai 2016

Lettre à M. Alain Duhamel



Ce dimanche matin, j’ai lu, comme très souvent, votre chronique dans les DNA. J’aime lire vos chroniques, et en règle général, je me retrouve assez dans vos propos. Mais, en cette matinée de fête des mères, je suis restée quelque peu perplexe et ai eu envie de vous apporter quelques réponses d’une simple citoyenne. J’ai noté quelques points dans l’article auxquels je souhaite vous répondre plus précisément.

1-     Une majorité de français soutient l’action de la CGT, c’est un fait. Est-ce si surprenant que les citoyens aient envie de défendre leurs acquis sociaux ? Pourquoi alors ne votent-ils pas pour la CGT mais plutôt pour un syndicat plus modéré ? Peut-être parce qu’au sein des entreprises, le caractère extrémiste de la CGT peut lasser. C’est ce que je connais en tous cas. La contestation systématique peut paraître abusive.

      Et il y a une marge entre l’intérêt particulier au cœur d’une entreprise et l’intérêt commun que défend actuellement la CGT. Je crois qu’aujourd’hui on l’écoute parce qu’elle s’engage. Elle agit quand beaucoup ne peuvent le faire : parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers de faire grève, parce qu’ils n’osent pas le faire de peur de se faire licencier.

      Et puis, je crois qu’aujourd’hui, peu importe aux français que ce soit la CGT ou n’importe qui d’autre. Ce sont juste des gens qui se battent pour une cause qui parle à tous. La loi travail me semble essentiellement un prétexte. Certes, ce fameux article 2 fait peur. Comment ne pas craindre de chantage à l’emploi si la négociation se fait uniquement entre syndicats et dirigeants de l’entreprise. Mais les mouvements actuels, « Nuit debout » compris, expriment essentiellement, je crois, un ras-le-bol général contre une gouvernance qui ne convient plus à personne. Entre fausses promesses, corruptions et passages en force, la gauche a déçu et ceux qui ont voté pour elle adhèrent à ces protestations, peu importe par qui elles sont menées. 


2-     Les derniers chiffres du chômage sont meilleurs. Sans crier au complot, peut-on vraiment croire à cela ? Cette baisse n’est-elle pas un brin factice ? Légèrement arrangée par quelques réformes bien placées au bon moment ? Un certain devoir de réserve m’empêche de m’exprimer plus avant sur le sujet mais je crois qu’on pourrait en débattre un moment.


3-     La CGT combat une politique qui donne enfin des espoirs aux français. De quels français parlez-vous ? En avez-vous rencontré qui avaient de l’espoir dans ces politiques néo-libérales ? Pas moi … Oui nous choisissons de conserver les acquis ! Pourquoi devrions-nous y renoncer ? J’ y reviendrai plus avant dans le point 5.


4-     Effectivement si la CGT l’emporte, et même si elle ne l’emporte pas d’ailleurs, la droite reviendra au pouvoir en 2017 et avec elle des lois encore plus libérales. C’est un fait. Pour autant, cela ne justifie pas de se taire. C’est un mode de fonctionnement politique global qui est ici rejeté. Droite, gauche, c’est du pareil au même. Faudrait-il donc ne pas protester car cela risquerait de compromettre la fin de mandat du moins pire ? Mais le moins pire ne satisfait pas. Peut-être que beaucoup en ont assez de voter par défaut et espèrent encore qu’un autre système puisse naître d’une crise majeure. C’est bien de cela qu’il est question tous les soirs depuis des semaines sur la place de la République ? Donc, non, je ne pense pas qu’il soit de bon ton de pas exprimer un désaccord sous prétexte que ça risque de déstabiliser un peu plus un gouvernement dont plus personne ne veut, au profit d’un autre dont on ne veut pas non plus.


5-     Le sacro-saint argument de « les autres pays européens ont fait des réformes alors on doit en faire ». Je ne connais pas grand-chose en économie et ne pourrais pas débattre sur la bonne ou mauvaise santé des autres pays européens. Mais ce que j’ai envie de dire, c’est que ce que vous appelez de « l’aveuglement » ou du « conservatisme » (je fais ici le lien avec le point 3), n’en est peut-être pas.

      Se plier à la mondialisation, au capitalisme à tout prix, n’est-ce pas ça qu’on pourrait appeler du conservatisme ? Quel choix nous offre-t-on ? Quel choix offrons-nous à nos enfants ? Poursuivre cette culture de la consommation, de la destruction de notre lieu de vie au prix de la réussite outrancière d’une minorité ? Je pense qu’il est là le  conservatisme.

      Le réformisme ne pourrait-il pas prendre la forme d’un autre mode de vie ? Un exemple : quand vous rencontrez quelqu’un, quelle est la première chose que l’on vous demande ? On ne vous interroge par sur vos enfants, sur vos pensées profondes. Non, on vous demande quel est votre travail. Notre société n’est basée que là-dessus : travailler, gagner de l’argent et le dépenser. On est reconnu que par l’emploi qu’on occupe. C’est aussi pour ça que les périodes de chômage sont si difficiles à vivre. Vous perdez tout en étant au chômage : votre moyen d’amasser de l’argent, votre capacité donc à en dépenser et votre appartenance à un groupe.

      Pourquoi alors ne serait-il pas possible d’imaginer que l’envie d’envoyer balader cette mondialisation, cette société capitaliste, ce besoin de s’enrichir à tout prix, y compris en risquant de détruire notre santé, notre environnement, serait peut-être LA solution et serait même totalement progressiste et non vainement conservateur ? Je crois que c’est pour cela qu’on a du mal à accepter les changements qu’on nous propose. On ne nous donne pas d’alternative ! Soit on continue à s’enfoncer dans la spirale prise par la plupart des pays riches de la planète, soit … Rien !


Je ne sais pas si ces quelques éléments peuvent apporter matière au débat. Au pire, on me qualifiera de sotte, au mieux d’utopiste. Mais peu importe, il est aussi important que chacun puisse s’exprimer, même s’il n’a pas pignon sur rue et ne publie pas de chroniques dans des quotidiens régionaux ou nationaux. Alors, je souhaitais vous partager mes réflexions, et les partager avec ceux qui les liront.