La grisaille est
encore restée plaquée au sol aujourd’hui. Comment aurait-il pu en
être autrement ? Le soleil et le ciel bleu, s’ils s’étaient
montrés, auraient été indécents.
Qui ce matin n’a
pas eu cette appréhension en prenant la route, cette boule au
ventre, cette crispation de lendemain de drame ? Cette crainte
de passer sur cette route empruntée quotidiennement mais qu’on ne
pouvait que voir autrement aujourd’hui. Elle a tué hier, elle a
tué des innocents, trop d’innocents. Des petites êtres qui
auraient dû grandir encore et profiter de cette vie qu’on leur a
fauché. Comment ne pas penser à ces mères de famille, ne pas faire
le parallèle avec nos propres vies ? Ces mères de famille qui,
en ce mercredi après-midi étaient sur la route avec leurs enfants,
les emmenaient à la danse, à la gym ou chez l’orthophoniste ?
Allaient voir leur grand-mère ou chercher les derniers cadeaux de
Noël ? Comment ne pas penser à ces pères appelés au travail
pour entendre l’indicible, l’insupportable.
Je ne sais pas ce
qui s’est passé hier mais je sais ce qui se passe tous les jours.
Je sais le téléphone portable regardé à la dérobée, parce qu’on
a le temps, parce qu’il n’y a personne en face, parce qu’on
maîtrise. Le téléphone décroché parce que c’est urgent,
important, parce qu’on est en retard, parce qu’on maîtrise. La
limitation de vitesse légèrement dépassée parce qu’on est
pressé, parce qu’il est trop lent, parce qu’on maîtrise. La
voiture doublée à l’arrache. Le tracteur doublé sans visibilité.
La ligne blanche dépassée parce que c’est pas si dangereux. La
limitation de vitesse largement dépassée parce qu’on aime aller
vite. Les distances de sécurité pas respectées parce que ça sert
à rien. Les incivilités, les priorités non laissées, les passages
forcés parce qu’on est les plus forts, les rois de la route. Les
vitesses non diminuées par temps de brouillard, de pluie ou de
verglas.
Je pourrais
continuer comme ça longtemps. On l’a tous fait, on a tous croisé
ceux qui le font. On a tous eu peur mais ça n’arrive qu’aux
autres, non ? Qu’avons nous à gagner à garder ces
comportements indignes ? Pourquoi derrière un volant devient-on
inconscients des dangers ? Pourquoi faut-il aller toujours plus
vite ? Pour arriver une minute plus tôt ?
La vie est trop
belle, trop précieuse. Elle sait réserver des destins funestes, il
est inutile de l’y aider. Ces enfants ne méritaient pas ça. Ils
ne méritaient pas que notre inconscience collective leur fasse subir
cela. Essayons de penser à eux à chaque fois que nous viendra
l’idée de dépasser, décrocher, accélérer, coller. Rappelons
nous ces familles brisées et remettons les choses en perspective.
Relativisons, freinons, laissons sonner, éloignons-nous, restons
derrière.
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