Du pain et des jeux,
actes 2- 24 juin 2016. Oubliés à nouveau les jeux. L’Euro s’est
justement tu pour quelques jours, le temps de passer des phases de
poules aux 8e de finale. L’info du jour, c’est le
brexit. Le séisme, le choc : le Royaume Uni a voté sa sortie
de l’Europe. On s’offusque ou on se réjouit, au choix. Tiens, ça
me fait penser à quelque chose : les équipes du Royaume
Uni, qui on ne sait pas trop pourquoi, sont d’ailleurs désunies le
temps de cet Euro, peuvent-elles terminer la compétition ?
Mais là n’est pas le sujet, les journalistes, les économistes,
les places boursières ne plaisantent pas avec ça. Haro sur les
britanniques !! Le petit peuple a bêtement voté pour un truc
qui va avoir un impact monstrueux sur notre économie. Tous les
superlatifs y passent ! L’élite est perplexe ! Ils
oublient juste de se demander pourquoi le « petit peuple »
a voté comme ça ...
Mais peu importe, en
ce 25 juin, dans les petits villages d’Alsace, l’Euro, la
victoire du Racing lors de la finale du Top 14 ou le Brexit ne sont
pas les sujets de conversation qui priment. Pas besoin de comprendre
l’alsacien pour savoir de quoi parlent tous les villageois ce matin
quand ils se croisent à la boulangerie. La nature s’est à nouveau
rappelée à nous. Nous sommes peu de choses. On ne veut pas le voir
et pas l’admettre et pourtant si Dame Nature a décidé qu’un
orage tomberait ici, et bien tant pis pour nous si on est sur son
chemin.
En tous cas, nous
voilà obligés à nouveau d’oublier tout ce qu’il se passe loin
d’ici et de revenir à des considérations pragmatiques et locales.
Je vais raconter ce
24 juin encore une fois de mon point de vue. L’idée n’est pas de
raconter de ma vie mais de partager une vision à un instant T. C’est
ma propre vision mais je suppose que certains s’y retrouveront et
auront vécu des émotions quelques peu similaires.
La journée a débuté
comme les deux dernières, c’est à dire sous un soleil de plomb.
23 ou 24 degrés dès le matin. Plus de 30 au plus chaud de la
journée. Depuis mon bureau, je ne vois qu’un petit coin de ciel
bleu et même si je sais que des orages sont prévus, je suis
surprise quand je regarde facebook en quittant le boulot et que je
découvre que des bouches d’égouts débordent à Westhoffen. Ca me
paraît d’abord complètement décalé, voire impossible mais quand
je sors et que je vois le ciel noir en direction du sud, je me dis
que c’est peut-être vrai finalement …
Je quitte le travail
en me demandant combien de temps je vais rouler avant de me retrouver
en dessous de ces gros nuages… longtemps finalement. Il n’y a qu’en arrivant à
Wasselonne qu’il commence à pleuvoir. Et encore, le plus gros de
l’orage est passé. Je pense alors pouvoir rentrer
sans encombre. Manque de chance, ce sont les 3 derniers kilomètres
qui seront les plus compliqués ! La petite route entre
Wasselonne et Westhoffen, toute en bosses, montées et descentes, est
envahie par le trop-plein d’eau qui déborde de tous les côtés.
Les fossés sont saturés et s’étalent sur la route. A chaque
chemin croisé, sa petite coulée de boue. La route est quasi
impraticable et pourtant je suis et je croise beaucoup de voitures.
C’est l’heure de sortie des bureaux, il y a du monde qui circule.
Quand je réussis enfin à arriver à l’entrée de Westhoffen, une
file de voitures essaie de sortir de la rue du Fruehof. Je leur fais
signe de s’arrêter, leur dis que s’ils peuvent éviter, il vaut mieux ne pas s'engager sur la route de Wasselonne. Mais je ne trouve pas d’écho :
on me dit que c’est pareil de l’autre côté. Le conducteur d’une
camionnette qui tire une remorque me répond qu’il doit rentrer au
dépôt. Certes … Peut-être que ça aurait pu attendre 10 minutes
mais après tout, c’est lui qui voit !
Ce que je ne sais
pas à ce moment-là, c’est que la RN4 est dans le même état :
contournement de Marlenheim, Kronthal : l’eau dévale d’un
peu partout et rend la circulation compliquée !
Même punition pour
l’entrée de Westhoffen depuis Balbronn ou Traenheim : le
ruisseau a débordé et la route est progressivement envahie.
Il ne pleut plus
maintenant et l’eau qui était montée des égouts saturés,
redescends aussi vite qu’elle était venue. En sortant le chien,
qui a quand même envie de faire sa balade, je passe devant un restau
où on me dit qu’il y avait 15 cm d’eau quelques minutes plus
tôt. Pareil pour la fleuriste mais elle me quitte rapidement en me
disant qu’il y a pire ailleurs dans le village car il y a eu des
coulées de boue qui sont descendues depuis les collines et qu’elle
doit aider des plus sinistrés qu'elle.
A pieds ou en voiture, on ne peut pas aller
bien loin car beaucoup de routes sont coupées. Alors me revoilà sur
internet, comme il y a un peu plus de 2 semaines, pour essayer de
suivre ce qu’il se passe, pour savoir si mes amis ne sont pas
touchés. D’ailleurs, ça marche dans les 2 sens puisque beaucoup
s’inquiètent de ce qu’il se passe à Westhoffen. Les réseaux
sociaux, c’est génial pour tout savoir dans ces cas-là. Info trafic Bas-Rhin, Météo Suivi Alsace permettent de suivre la situation en direct grâce aux photos et commentaires des internautes de toute l'Alsace. Mais ce
que certains peuvent être agaçants parfois ! Ils n’hésitent pas à y aller de leur smiley ou autre « mdr »
à la vue des images d’inondations. D'autres se plaignent car ils
n’ont pas une goutte de pluie et qu’il fait trop trop chaud
(doit-on leur rappeler que pas plus tard que mardi dernier,c’est à
dire il y a 3 jours, les températures ne devaient pas dépasser 18
??). D’autres rêvent d’un orage car « c’est trop beau à
regarder » ou encore pour rafraîchir un peu leur nuit. J’ai
juste envie de leur répondre qu’ils sont en train de commenter des
photos de villages inondés et, qui dit villages inondés, dit
dégâts, meubles, électroménagers et autres biens fichus,
nettoyage et gens très affectés etc etc …
A Westhoffen, plus
tard dans la soirée, alors que le soleil et la chaleur sont revenus,
beaucoup passent voir l’étendue des débordements près de la
salle polyvalente. Le carrefour est encore inondé et les
enfants s’amusent d’aller y patauger avec leurs bottes en
caoutchouc. Le parc de jeux est encore pour partie sous l’eau.
L’enceinte en bois du terrain de pétanque a glissé de plus d’un
mètre.
La nuit est ensuite
agitée pour beaucoup. La météo promet de nouveaux orages violents
et elle ne se trompe pas. On est réveillé par les coups de tonnerre
et le bruit des trombes d’eau qui s’abattent à nouveau.
Wasselonne a droit à son nouveau cauchemar : ce ne sont pas les
mêmes rues que le 7 juin cette fois, mais des scènes similaires :
on écope, on racle, on pompe l’eau qui envahit les caves et les
garages. La RN4 est à nouveau envahie,le quartier de l’ancienne
gare, l’entrée du village en venant de la route de Westhoffen,
Brechlingen. La Mossig déborde …
Bref, c’est
reparti. Les sinistrés du 7 juin ont dû passer une mauvaise nuit.
Comment ne pas regarder chaque noirceur comme une vision
cauchemardesque ? Chaque grondement de tonnerre lointain comme
le signe d’une prochaine inondation ? Est-ce que ça va encore
recommencer ? Quand est-ce que ça va se terminer ?
Les pompiers sont à
nouveau mobilisés. Ils ont dû passer une bonne partie de leur soirée
et de leur nuit à vider des caves, des garages, peut-être des
maisons et on ne peut qu’être admiratif du boulot que font ces
hommes.
Ce samedi, on
retrouve le ballet des pelleteuses, des nettoyeuses. Le camion de la
SDEA tourne pour vérifier chaque bouche d’égout (enfin, je
suppose que c’est ce qu’ils font). A Wasselonne, les pompiers
tentent de vider le bassin de rétention qui, vu les traces de boue
et l’état du grillage tout autour, a certainement débordé cette
nuit. Certaines routes sont redevenues brunâtres alors que la
plupart avaient été soigneusement nettoyées. Les panneaux « route
barrée » fleurissent à nouveau. Entre Wasselonne et
Westhoffen, de l’eau coule encore depuis les champs. Elle rejoint
toute celle qui sature encore les fossés.
Heureusement, la
météo nous dit que c’est fini pour cette fois. On devrait
retrouver le soleil rapidement. « Jusqu’à quand ? »,
ne peut-on s’empêcher de se demander. Et si c’est la question
qui est sur toutes les lèvres aujourd’hui près de chez moi, c’est
probablement le cas un peu partoutdans le Grand Est. Je citerai, au gré de
ce que j’ai vu circuler sur le net : Saverne dont le centre
ville était sous 25 cm d’eau, Geispolsheim, Romanswiller à
nouveau, Strasbourg, Kuttolsheim, Balbronn, Still, Salenthal et
probablement tant d’autres dans les régions voisines ...
Panem et
circenses... j’espère qu’il n’y aura pas d’acte 3.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire