mardi 8 décembre 2015

Hestia et les attentats, pensées d'un chien en ces temps troublés ...



Pas de nouvelles aventures pour moi aujourd’hui, mais plutôt des réflexions de chien sur cette drôle de fin de semaine qu’on vient de passer… Je n’ai pas vraiment tout compris mais mes maîtres étaient bizarres ce week-end. Ca a commencé vendredi quand ils ont passé leur soirée devant la télé. C’était pas comme d’habitude. Normalement, à cette heure-là, le canapé je ne l’ai que pour moi. Mais vendredi, ils restaient là et n’allaient pas se coucher. Et ils semblaient affectés, étonnés. Je ne comprends pas trop ces sentiments humains. Par contre, la peur, je sais bien ce que c’est. Et je la ressentais chez eux vendredi. Ils commentaient, ils échangeaient, ils se questionnaient mais ne semblaient pas trouver de réponses.

            Pourtant, le lendemain, ils ont essayé d’expliquer à ma petite maîtresse. Mais du haut de ses 11 ans, elle ne semblait pas mieux comprendre que moi. On a regardé encore les mêmes images mais moins longtemps cette fois, juste pour qu’elle sache. Elle aussi a vu les morts, le sang, l’horreur. Elle a demandé pourquoi. On lui a dit « pour rien, parce qu’ils sont fous ». Elle a demandé si ça pouvait arriver ici. On lui a dit peut-être, qu’on ne pouvait pas savoir.

            Elle aussi avait peur. La peur, c’est bien le seul sentiment humain que je peux comprendre. L’horreur gratuite, on ne connaît pas, nous les chiens. Un chien peut se battre pour manger. Un chien peut se battre pour défendre son territoire, pour défendre sa famille, pour se protéger ou les protéger. Mais il ne va pas attaquer un autre chien comme ça, sans raison. Les hommes si apparemment.

            Vendredi, ils ont attaqué n’importe qui, et tout le monde en même temps. Des gens qui s’amusaient, qui mangeaient, qui écoutaient de la musique. Ces gens ne les avaient pas attaqués. Ils ne les connaissaient pas. Mes maîtres et la télévision parlent de haine. Je ne sais pas ce que c’est la haine. Je sais ce que c’est que l’amour. J’aime mes maîtres, ma petite maîtresse, ma maison, mes autres copains chiens. J’ai compris que la haine c’était l’inverse mais je ne saisis pas pourquoi on peut ressentir ça. Ca sert à quoi ?

            Je peux comprendre qu’un homme n’en aime pas un autre ou n’aime pas sa façon de vivre. Moi aussi il y a des chiens avec lesquels je n’ai pas envie de jouer ou de partager ma gamelle de croquettes. Mais pour autant, je ne lui saute pas à la gorge pour le tuer. Je me contente d’aboyer vaguement dessus s’il s’approche un peu trop près de moi mais il ne me prend pas l’envie de le tuer. Et encore moins de me tuer pour le tuer. Parce que là c’est ce qu’ils ont fait me semble-t-il…

            Ce qui est d’autant plus incompréhensible dans cette haine chez les humains, c’est que plutôt que de leur donner envie de donner encore plus d’amour pour s’en défendre, ça donne à beaucoup d’entre eux encore plus de haine. Ils tournent en rond les humains. Ils sont sensés être beaucoup plus intelligents que nous, ils savent faire des tas de choses que nous on ne peut pas faire, ils nous construisent des maisons, ils réfléchissent tout le temps. Mais en fait ils ne comprennent rien.

            En plus, ils se détestent les uns les autres. Pour moi, ils sont tous pareils les humains. C’est comme les chiens. Je vois bien qu’il y en a qui ne sont pas tout à fait identiques à moi. Il y en a des petits, des gros, des pleins de poils, des sans poils. Les gros, ils me font un peu flipper au début, mais passées les premières minutes, je me rends vite compte que la plupart sont tout comme moi : ils aiment jouer, courir dans la forêt, manger, aimer leur maître. On ne se ressemble pas tout à fait mais on est tout pareil en fait. L’humain, j’ai l’impression qu’il n’a pas cette capacité à se rendre compte que celui qui n’est pas tout à fait pareil que lui physiquement, il est en fait tout pareil : mêmes besoins vitaux, mêmes comportements, même recherche d’amour, même besoin de famille…

            J’ai essayé de les consoler, mes maîtres, pendant ces 2 jours, mais j’ai l’impression que mes câlins ne suffisent pas. Ma petite maîtresse, elle, semble penser à autre chose. Mais je sais aussi qu’elle pleurera sûrement quand elle devra se taire pendant une minute demain au collège pour penser à tous ceux qui sont morts. Ma maîtresse, elle pleurera sûrement aussi. Elle doit aller à Paris bientôt. Je ne sais pas où c’est Paris mais je crois que c’est là que tous les gens ont été tués et tout ce que je sais c’est qu’elle n’a pas très envie d’y aller. Moi non plus je n’ai pas envie qu’elle y aille parce que je n’ai pas envie qu’elle meure. Je ne voudrais pas qu’elle ne rentre pas de Paris. Il y a sûrement plein de chiens, et pleins d’humains qui attendent aujourd’hui que leur maître, que leur mère, que leur fille rentre de Paris mais ils ne rentrent pas …

            Mon petit cerveau de chien ne comprend décidément pas l’humain. Si je pouvais parler, je leur conseillerais de faire comme moi, de ne pas se soucier de leur argent, de leur dieu, de leur haine, de la couleur de peau de leur voisin mais de se concentrer sur ce qui est le plus important à mes yeux : voir mes maîtres rentrer tous les jours à la maison, savoir que même s’ils s’absentent, ils seront là un peu plus tard, qu’ils me donneront à manger, qu’ils me feront des câlins, que je serai là pour eux et qu’ils seront là pour moi, qu’on pourra tous ensemble profiter d’une belle promenade dans les bois, qu’on pourra regarder le soleil briller, qu’on pourra jouer à la balle et entendre ma petite maîtresse rire aux éclats. Si seulement je pouvais parler pour leur dire que leur vie serait beaucoup plus simple et plus belle s’ils parven  aient à garder ça à l’esprit …

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